Une station balnéaire de la fin de la terre

Jeudi 05 Septembre 2019-00:00:00
' Père Gérard Viaud

La station balnéaire de Ras El-Barr a plus de 100 ans d'existence. Elle fut créée en 1895. Depuis elle a connu une extension considérable et des villas ont remplacé les anciennes cabanes des estivants. C'est l'une des stations balnéaires du nord du Delta du Nil entre Port-Saïd et Alexandrie avec Gamassa et Baltim.
A Ras El-Barr les rues ne portent pas de noms mais des numéros. Dans le quartier du marché, au centre de la station, les vendeurs de poissons sont en grand nombre et leurs étales présentent toute une variété des fruits de la mer.
Ras El-Barr c'est un peu le Finistère breton de l'Egypte, la fin de la terre avec sa longue langue qui s'avance dans la mer.
A environ 13 kilomètres au nord-ouest de Damiette se trouve la station balnéaire de Ras El-Barr créée en 1895 sur une langue de sable entre le Nil et la Méditerranée et de l’autre côté du Nil le port de Ezbet El-Bourg.
C’est toujours un plaisir de se promener en bordure du Nil à Ras El-Barr le long des jardins qui se trouvent près de la grande rue du Nil. Au fur et à mesure que le promeneur s’avance, il découvre l’embouchure du fleuve, là où les eaux du Nil viennent se mélanger à celles de la Méditerranée.
 De l’autre côté du fleuve c’est le gros village de Ezbet El-Bourg, un village de pêcheurs dont les bateaux et les barques sont ancrés dans le fleuve lui-même. C’est un beau spectacle que de voir cette flotte dont les immenses filets sont tendus entre les mâts.
 Si la modernisation a supprimé les voiles, avec la mise en place de moteurs, il n’en reste pas moins que ces ensembles de mâtures se détachant dans un ciel bleu est intéressant à voir.
Tout l’ensemble de Ras El-Barr est magnifique et il faut encore signaler que le marché, se trouvant près de la grande mosquée centrale, est très pittoresque avec ses boutiques de marchands de poissons, ses restaurants et ses pâtisseries, ses échoppes d’articles pour la plage.
Le visiteur peut ainsi se rendre à l’extrémité de cette langue de terre, là où se dresse le phare pour indiquer aux navigateurs l’entrée du fleuve. C’est le paradis des pêcheurs à la ligne qui passent leur temps à lancer leurs cannes à pêche en attendant anxieusement leurs prises qui sont nombreuses tant cette embouchure du Nil est poissonneuse. De l’extrémité de cette digue où se trouve le phare, le visiteur peut découvrir toute la plage de Ras El-Barr bordée de parasols le long du rivage de couleur noire où viennent mourir les vagues.
Il y a plus de cent ans, le journal “La Réforme” d’Alexandrie avait présenté ainsi Ras El-Barr en 1897: “La nouvelle station balnéaire de Ras El-Barr est en plein réaménagement pour la prochaine saison estivale. C’est encore une villégiature modeste et tranquille enserrée entre les flots bleus de la Méditerranée et les ondes perlées du Nil. C’est le commencement ou la fin du Delta dont, en hiver, une grande partie est submergée par les eaux qui charrient, sur leur passage, tout vestige des villégiaturistes de la saison d’été. C’est donc un séjour sain et agréable. Rien du prétentieux apparat du San Stefano d’Alexandrie. Il n’y a point encore de lumière électrique et de gaz. Ce n’est ni en smoking, ni en toilette chatoyante que l’on prend ses repas dans cette retraite paisible; il y règne une simplicité que l’on ne trouve guère sur les autres plages et la vie qu’on y mène est affranchie de toute prétention et de toute convoitise. Les habitations qui sont aménagées actuellement à Ras El-Barr sont des kiosques en bois ou des baraques en nattes, solidement conditionnées. Toutes ces maisonnettes se touchent les unes aux autres et sont organisées, soit le jour, soit dans la soirée, des réunions auxquelles président toujours la gaieté d’une franche camaraderie”.
Au XVIIème siècle, un moine dominicain du couvent de la Minerva à Rome, Vansleb, visita l'Egypte en 1672 et 1673; voici ce qu'il raconta sur ce village de Ezbet El-Bourg situé en face de Ras El-Barr.“Quand on entre de la mer dans le Nil, on trouve à son embouchure, du côté de l'est, un vieux château qui aurait été bâti par le roi de France Louis IX; il est carré, flanqué de quatre tours rondes à demi ruinées. Près de ce château, du même côté du fleuve et plus au sud, se trouve
 un village nommé Bogas, mot qui veut dire "embouchure" (c’est le village de Ezbet El-Bourg). C'est dans ce village que demeurent les capitaines des germes, de larges barques qui déchargent les vaisseaux et les tirent hors des bancs de sable. Ces germes remorquent les saiques et les autres bâtiments qui veulent entrer ou sortir par l'embouchure du Nil; ils leur montrent aussi le chemin entre les bancs de sable qui sont nombreux dans cette rade.
Dans ce même village de Bogas on voit les commencements d'une autre forteresse de forme carrée dont les murailles ne sont élevées que de trois à quatre toises seulement (une toise est de 1,949 mètre). Il y a encore, près du village, deux calitz, ou canaux artificiels; ils sont remplis de l'eau du Nil pendant toute l'année pour l'irrigation de la campagne environnante.
Plus au sud du village de Bogas, et de l'autre côté du Nil, se dresse un autre château pour défendre l'embouchure. Des sentinelles y montent la garde comme dans celui qui se trouve près de Bogas.
Maintenant, le nouveau c’est le port de Damiette avec ses digues et ses quais qui reçoivent les plus importants cargos qui transportent, non seulement le bois nécessaire à l’industrie de Damiette, mais encore les matériaux indispensables aux nouvelles industries en Egypte.
Les quais du nouveau port de Damiette permettent le chargement ou le déchargement de 6 millions de tonnes de marchandises ou de matériaux par an et il est ainsi devenu l’un des ports les plus importants du Proche-Orient.
Le site du port se trouve à 8,5 kilomètres à l’ouest de l’embouchure du Nil à Ras El-Barr et il est complété par une zone franche. La création de ce port a exigé la construction d’une nouvelle ville de Damiette, Doumiat El-Guédida, qui peut recevoir 500.000 habitants. La réalisation de ce port a, de même, exigé un aménagement des anciennes routes et la création de nouvelles. Ainsi, deux ponts enjambent le nouveau canal à barge de 4,5 kilomètres qui rejoint le Nil au port de Damiette, permettant un accès facile à Ras El-Barr en venant de Damiette ou du Delta.